Jean-Jacques Rousseau

Aujourd'hui, je ne sais pas si vous le savez, mais nous fêtons les 300 ans de Jean-Jacques Rousseau et pour l'occasion je me permet de publier ici l'une de ces compositions.


Les consolations des misères de ma vie

(extrait, V)

Ruisseau qui baignes cette plaine,
Je te ressemble en bien des traits.
Toujours même penchant t'entraîne :
Le mien ne changera jamais.

Tu fais éclore des fleurettes :
J'en produis aussi quelquefois.
Tu gazouilles sous ces coudrettes :
De l'amour j'y chante les lois.

Ton murmure flatteur et tendre
Ne cause ni bruit ni fracas ;
Plein du souci qu'amour fait prendre,
Si je murmure, c'est tout bas.

Rien n'est dans l'Empire liquide
Si pur que l'argent de tes flots ;
L'ardeur qui dans mon sein réside
N'est pas moins pure que tes eaux.

Des vents qui font gémir Neptune
Tu braves les coups redoublés ;
Des jeux cruels de la fortune
Mes sens ne sont jamais troublés.

Je ressens pour ma tendre amie
Cet amoureux empressement
Qui te porte vers la prairie
Que tu chéris si tendrement.

Quand Thémire est sur ton rivage,
Dans tes eaux on voit son portrait ;
Je conserve aussi son image ;
Elle est dans mon coeur, trait pour trait.

Tu n'as point d'embuche profonde ;
Je n'ai point de piège trompeur.
On voit jusqu'au fond de ton onde ;
On voit jusqu'au fond de mon coeur.

Au but prescrit par la nature
Tu vas, d'un pas toujours égal,
Jusqu'au temps où par sa froidure,
L'hiver vient glacer ton cristal.

Sans Thémire je ne puis vivre ;
Mon but à son coeur est fixé.
Je ne cesserai de le suivre
Que quand mon sang sera glacé.


Jean-Jacques Rousseau

Oui Toms, j'ai entendu parler de ce 300 ème anniversaire. Il était suisse, né à Genève en 1712... (voir ses biographies pour plus amples informations)

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Merci à toi de nous avoir fait partager ce merveilleux poème ! Il est remarquable, en plus il correspond parfaitement à mes goûts. Jean-Jacques Rousseau n'était pas qu'un grand philosophe, il maniait si bien le vers que je pense que l'on peut le classer parmi les plus grands poètes de son temps, et des autres ! Magnifique. Mais je pense qu'il est plus connu pour ses écrits philosophiques, notamment "Du contrat social", dommage apparemment...

Mais de rien ! Pour ma part je trouve celui-ci à mon gout. Il a écrit de très belles choses en tout cas.

Oui, tu l'as parfaitement choisi. Il me plait énorémement aussi...

A mon souvenir il est retourné maintes fois en suisse, il a notamment habité un temps à Genève.

Absolument LR ! Tu as tout à fait raison, j'ai rectifié. D'ailleurs je pense qu'il est préférable que chacun se documente auprès des sites, notamment Wikipédia, qui propose un excellent résumé de sa vie et de son oeuvre...

Merci LR, heureusement que tu as été vigilant !

Genève l'a d'ailleurs influencé dans sa façon de penser le Contrat Social.

J'admet que j'ai du mal avec la majeure partie de la poésie de cette époque et du romantisme qui va suivre, sauf exception notable ( Hugo évidemment, Musset également ). Evidemment les vers sont parfaitement agencés, mais je les trouve particulièrement fades par rapport à ce qu'on pourra trouver chez un Blake par exemple ( en anglais). La poésie du XVII ème en général ne me plait pas beaucoup pour tout vous dire...

Sur le moment j'ai pu confondre avec quelqu'un d'autre, il faut dire que je suis un peu "ailleurs" en ce moment !

Je ne connais pas du tout la poésie britanique. Mais il faudrait que je perfectionne mon anglais, car pour moi la poésie ne se traduit pas, sinon elle perd de sa substance et n'a plus guère de sens...

Littlewingrunner a écrit:J'admet que j'ai du mal avec la majeure partie de la poésie de cette époque et du romantisme qui va suivre, sauf exception notable ( Hugo évidemment, Musset également ). Evidemment les vers sont parfaitement agencés, mais je les trouve particulièrement fades par rapport à ce qu'on pourra trouver chez un Blake par exemple ( en anglais). La poésie du XVII ème en général ne me plait pas beaucoup pour tout vous dire...

D'accord avec ça. Le summum de la bêtise étant Julie (salaud !) ou la nouvelle Héloïse, un roman d'un conformisme abyssal, mièvre, bref... tout ce que je déteste dans le romantisme français.
Il a certes ouvert la voie de l'autobiographie et de l'autofiction avec les Confessions, mais le lire geindre sur des pages et des pages est vraiment au-dessus de mes forces...
J'ai toujours préféré, et de loin, Diderot et surtout Voltaire, en ce qui concerne leur oeuvre romanesque.

Voltaire c'est pour le côté ironie mordante. Diderot pour l'invention littéraire et l'intertextualité avec Cervantès...

Mais philosophiquement Rousseau est au dessus à mon sens. ( chacun a son point fort en somme, le théâtre de Voltaire, ce pour quoi il était connu, m'ennuie profondément aussi, ça me fait penser à du sous-Racine).

Littlewingrunner a écrit:Voltaire c'est pour le côté ironie mordante.

Tout à fait ! D'ailleurs j'adore ce côté très ironique. C'est un peu lui qui a fait naitre ce principe si je ne me trompes pas. Corrigez moi dans le cas contraire !

Tu trouves un peu cette forme d'humour ironique chez Villon, Rabelais, Cervantès aussi. Mais évidemment ce n'est pas exactement l'humour voltairien. Pour ce qui est de la littérature anglaise tu trouves ça chez Sterne aussi.

Littlewingrunner a écrit:le théâtre de Voltaire, ce pour quoi il était connu, m'ennuie profondément aussi, ça me fait penser à du sous-Racine).

C'est totalement ça, oui.
Il est vrai que philosophiquement, Rousseau nous a apporté davantage que Voltaire. Et que le Contrat social et son texte sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes ont profondément marqué notre société française et notre manière d'appréhender la politique. Certains disent encore qu'en politique, on est soit rousseauiste (plutôt de gauche : l'homme est bon naturellement et doit, en tant que tel, être protégé par la justice sociale) soit hobbesien (plutôt de droite : il faut défendre les intérêts individuels de chacun et leur laisser le champ libre pour entreprendre et se distinguer).
Mais décidément, littérairement je prends plus de plaisir à lire Candide ou l'Ingénu que les Rêveries du promeneur solitaire.

Ah, tu n'es pas une romantique dans l'âme, je suis sûr qu'Olive préfère les Rêveries qui préfigure le romantisme du début du XIXème!

( D'un point de vue personnel je suis d'accord, bien que je reconnaisse les atouts littéraires indéniables des Rêveries, cela dit mes oeuvres favorites restent celles de Diderot - puisqu'on est dans la triade Voltaire-Rousseau-Diderot- notamment Jacques le Fataliste et le Neveu de Rameau ).

J'ai toujours préféré le romantisme anglais, en réalité. Il me parle bien davantage.

Littlewingrunner a écrit:Ah, tu n'es pas une romantique dans l'âme, je suis sûr qu'Olive préfère les Rêveries qui préfigure le romantisme du début du XIXème!

Absolument LR ! Tu m'as cerné, je suis foutu ! Moi c'est le Rousseau poète qui m'intéresse...

"Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, que de guerres, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : Gardez-vous d'écouter cet imposteur; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n'est à personne."

Jean-Jacques Rousseau

Victor Hugo disait de Voltaire que s'il fallait le juger uniquement sur son oeuvre théâtrale, il serait au niveau de Campistron. Ce qui est vrai. Heureusement, il y a le reste, et le reste est le meilleur. Je vous conseille le "Dialogue du chapon et de la poularde", c'est à mourir de rire.