Nathalie Sarraute - Pour un oui ou pour un non
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Nathalie Sarraute - Pour un oui ou pour un non
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Pour un oui ou pour un non
Nathalie Sarraute
Editions Folio Théâtre
Pour un oui ou pour un non
Nathalie Sarraute
Editions Folio Théâtre
« C’est bien, ça… ». Articulé sur un ton neutre, la voix sans effusion : « C’est bien, ça… ». Et les mots semblent dire le contraire de ce qu’ils disent. Voilà le matériel qu’a choisi Nathalie Sarraute pour son huis clos à quatre personnages (deux secondaires) portant les noms de H1, H2, H3 et F. Nous y sommes, c’est du Sarraute, plus d’identité, plus de trame, pour mieux laisser place à l’étude du dialogue ; un froid clinique à oxygène pur ! Trois mots, donc. Trois petits mots qui vont remettre en question l’amitié de deux hommes. Deux murs mis face à leur ressenti car l’un a osé rompre un silence, ce silence entre eux installé depuis quelque temps, comme une barrière infranchissable, dont il veut savoir la raison. A force de questions on arrive à tout, les barrières de l’amabilité elles aussi tombent, la peur de blesser ne joue plus son rôle de garde-fou, H2 finit par cracher le morceau. Un jour, alors qu’il se vantait d’une satisfaction personnelle, un succès quelconque dont il n’a plus souvenir, H1 lui aurait répondu « C’est bien, ça… ». Et le ton n’est pas passé. Il a senti, oui, plus que de la raillerie, une condescendance. Depuis il vit avec. C’est une plaie ouverte qu’il a entretenue, pas belle à voir, il a suffi d’un rien pour qu’elle dégénère en crise. Si l’on considère la cause du mal de l’extérieur, cette vague intonation – du reste l’a-t-il bien interprétée ? –, le moins que l’on puisse dire c'est que H2 est en plein psychodrame. Et vu la foule de rancœurs qu’il garde en lui, étiquetées, datées, classées comme dossiers de police, et dont son ami aura le détail, il a vraiment l’air de prendre plaisir à se faire mal autant que l’infliger aux autres. Pour H1, en tout cas, ridiculement anodins, ces reproches ont le mérite de prouver une chose : l’immaturité de son ami. Un être qu’il juge pusillanime, sans consistance, lâchement retranché du monde ; en un mot, un raté. De fil en aiguille, au lieu de se rapprocher, les deux hommes s’éloignent, la parole substituée au silence qui régnait entre eux ne fait qu’aggraver la situation.
Nathalie Sarraute excelle dans l’exposition de ces petites étincelles qui déclenchent de grands drames. Son théâtre, en forme de loupe, montre les stigmates laissés sur l’âme humaine par un mot ou un silence pris pour autre chose. Pour un oui un pour un non, pièce serrée, à peine 30 pages, met en scène le non-dit, le sous-entendu, la détresse et le vide, des thèmes qu’elle a étudiés en long dans son recueil Tropismes qui aura servi de laboratoire à une production théâtrale courte mais redoutablement efficace ! Le Mensonge, par exemple, autre pièce, joue sur le même ressort. Pour finir, je m’en sortirai par une boutade. Quand on me demande « T'aimes bien Marguerite Duras ? », je réponds toujours « Je préfère Nathalie Sarraute. »
Nathalie Sarraute excelle dans l’exposition de ces petites étincelles qui déclenchent de grands drames. Son théâtre, en forme de loupe, montre les stigmates laissés sur l’âme humaine par un mot ou un silence pris pour autre chose. Pour un oui un pour un non, pièce serrée, à peine 30 pages, met en scène le non-dit, le sous-entendu, la détresse et le vide, des thèmes qu’elle a étudiés en long dans son recueil Tropismes qui aura servi de laboratoire à une production théâtrale courte mais redoutablement efficace ! Le Mensonge, par exemple, autre pièce, joue sur le même ressort. Pour finir, je m’en sortirai par une boutade. Quand on me demande « T'aimes bien Marguerite Duras ? », je réponds toujours « Je préfère Nathalie Sarraute. »
Guthrie- .
- Messages : 2547
Date d'inscription : 30/09/2012
Re: Nathalie Sarraute - Pour un oui ou pour un non
J'ai envie de rebondir là-dessus en évoquant Reza, qui excelle (d'après la critique) dans la peinture psychologique de ses personnages. La pièce de Sarraute m'évoque la première situation décrite dans Heureux les heureux : un couple frôle la crise, au supermarché. En cause : l'un veut acheter du fromage et l'autre pas. On sent que la récrimination, le ras-le-bol, l'envie de fuir sont vécus de manière chronique. Et quel issue ? Chez Sarraute les amis se séparent, chez Reza les amants se rabibochent. Car ce qui cimente le couple ce sont ces sortes de prises au piège psychologiques, dont les amis eux, finissent par se défaire. Mieux vaut-il alors être amants ou amis ?
Laelle- Petit Sage
- Messages : 498
Date d'inscription : 16/11/2013
Age : 45
Re: Nathalie Sarraute - Pour un oui ou pour un non
Tu vises juste, Laelle. Je ne sais si Reza a déjà avoué en interview que Sarraute était son maître à penser mais on retrouve chez elle effectivement la même approche, la même façon chirurgicale de dépeindre les drames que peuvent déclencher en nous une phrase malheureuse, un sous-entendu. Sa pièce "Art", qui l'a fait découvrir, c'est du Sarraute tout craché mais en plus léger, limite boulevardier (sans être péjoratif). Quant à la question sur laquelle tu débouches, nous avons tous vécu les tiraillements au ventre que procure le sentiment amoureux, les doutes, les haut-le-cœur, les vertiges (encore Bashung
). L'amour n'est pas la plaine enchantée du Magicien d'Oz. C'est un poignard planté au niveau du sternum dont les bons moments arrivent un temps à anesthésier la douleur. L'amitié, je crois, ce serait de l'amour continuellement sous morphine. Ce qui, pour essayer de répondre un peu à ta question difficile, est sans doute plus agréable à vivre niveau cage thoracique et organes intérieurs. Mais finalement je dis l'inverse de ce que tu avançais, non ? L'amour selon toi serait plus agréable à vivre que l'amitié ?

Guthrie- .
- Messages : 2547
Date d'inscription : 30/09/2012
Re: Nathalie Sarraute - Pour un oui ou pour un non
Hypothèse : le sentiment d'être considéré par l'autre, en amour, passe par des guerres douloureuses dont on soignerait les blessures par la nécessaire intervention de l'autre. Par la réconciliation, avec des « je t'aime, » « je te considère » à nouveau. En amitié, lorsque le désaccord prend place, que l'on est incompris ou blessé, on serait en mesure de soigner seul ses blessures. On opterait pour la fuite, sans le secours nécessaire de celui qui nous a blessé ou déconsidéré.
L'amour n'est pas la plaine enchantée du Magicien d'Oz. Certes, et sur ce terrain on peut mourir de coups de poignards, mais on peut aussi ressusciter par la main qui nous a infligé le coup.
L'amour n'est pas la plaine enchantée du Magicien d'Oz. Certes, et sur ce terrain on peut mourir de coups de poignards, mais on peut aussi ressusciter par la main qui nous a infligé le coup.
Laelle- Petit Sage
- Messages : 498
Date d'inscription : 16/11/2013
Age : 45
Re: Nathalie Sarraute - Pour un oui ou pour un non
Oui.
Le bourreau-infirmier, en quelque sorte.
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Le bourreau-infirmier, en quelque sorte.



Guthrie- .
- Messages : 2547
Date d'inscription : 30/09/2012
Re: Nathalie Sarraute - Pour un oui ou pour un non
Je pense que c'est plus noble que cela. Mais que la critique tient la route, d'un point de vue trivial.
Laelle- Petit Sage
- Messages : 498
Date d'inscription : 16/11/2013
Age : 45

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