Voter est-il un devoir ?
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Invité- Invité
Re: Voter est-il un devoir ?
Moi personnellement je trouve dommage voir consternant de cracher sur un droit que l'on a et que d'autres n'ont pas et se battent pour l'avoir... Je vais surement passer pour le gros con rigide de service mais faut voir les choses comme elles sont. Et en plus c'est toi qui l'a dit : On n'a pas à se plaindre de la France, y a des pays où on serait bien emmerdés d'y aller et on se dirait "merde en fait la France c'était cool !". Et c'est justement dans ce genre de pays qu'on a pas le droit de voter. Alors moi je trouve quand même dommage de ne pas profiter de ce privilège. Car s'en est un même si il est vrai que le choix reste ma foi pas très convaincant en somme... Mais quitte à choisir autant choisir le moins pire...
LordToms- Président du CAJMP
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Re: Voter est-il un devoir ?
Je trouve que tu dis des choses graves Nah, et je pense que tu ne t'en rends pas compte.Voilà tout, le reste, ce n'est que dérisoire.
Des gens sont morts pour obtenir le droit de vote. Ce n'est pas dérisoire.
Re: Voter est-il un devoir ?
Spirale a écrit:Je trouve que tu dis des choses graves Nah, et je pense que tu ne t'en rends pas compte.Voilà tout, le reste, ce n'est que dérisoire.
Des gens sont morts pour obtenir le droit de vote. Ce n'est pas dérisoire.
Non ce n'est pas dérisoire effectivement. Pour ma part je ne sortirai pas cet argument car bien trop cité à mon goût. Les dits et redits c'est un peu lassant à force. Mais prenons l'exemple de ces pays de l'Afrique du Nord qui se sont révoltés contre leurs dirigeants pour avoir le droit de vote... Comment ne pas penser après que le droit de vote est un privilège qui se doit d'être honoré ? Je comprend que l'on ne veuille pas voter mais il faut que les gens comprennent ce que cela implique comme conséquence... je crois que ce n'est pas toujours clair dans les esprits...
Je ne veux pas me faire moralisateur, libre à vous de faire ce que bon vous semble bien sûr. Je dirais juste que c'est dommage voilà tout... Mais au moins prenez conscience que ce n'est pas forcément quelque chose à prendre à la légère...
LordToms- Président du CAJMP
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Re: Voter est-il un devoir ?
Voter c'est avoir le droit de participer à l'évolution de son groupe, de choisir et défendre son point de vue.
Mais choisir, défendre son point de vue, cela suppose d'avoir de quoi comprendre, analyser, savoir.
Croyez vous que ceux qui veulent accéder au pouvoir aient tellement intérêt à la lucidité de leurs électeurs ?
En réalité, voter, ce n'est pas opter selon son savoir, mais c'est choisir en fonction de l'habileté, voire de la rouerie, du séducteur qui sollicite votre voix.
Mais quoi d'autre ?
Mais choisir, défendre son point de vue, cela suppose d'avoir de quoi comprendre, analyser, savoir.
Croyez vous que ceux qui veulent accéder au pouvoir aient tellement intérêt à la lucidité de leurs électeurs ?
En réalité, voter, ce n'est pas opter selon son savoir, mais c'est choisir en fonction de l'habileté, voire de la rouerie, du séducteur qui sollicite votre voix.
Mais quoi d'autre ?
Re: Voter est-il un devoir ?
Choisir est toujours un dilemne.
Comme le dit abac, on est tributaire des informations que l'on veut bien nous donner. L'homme de la rue étant rarement politologue, il est facile de se faire entuber (et fréquent).
Je respecte les gens qui s'abstiennent, parce qu'ils estiment n'être pas compétents.
Comme le dit abac, on est tributaire des informations que l'on veut bien nous donner. L'homme de la rue étant rarement politologue, il est facile de se faire entuber (et fréquent).
Je respecte les gens qui s'abstiennent, parce qu'ils estiment n'être pas compétents.
Nelson- Grand Maitre Suprême
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Date d'inscription : 25/04/2011
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Re: Voter est-il un devoir ?
Rêve d'un homme politique : fédérer tous les abstentionnistes derrière son drapeau. Le problème, c'est qu'il y a tant de raisons de ne pas voter. Et de voter. Par exemple, comme d'autres, il me faut bien avouer que parfois je vote plutôt "contre" quelqu'un.
Elixir- Sage Confirmé
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Re: Voter est-il un devoir ?
Il y a sûrement des fois ou voter n'a pas plus d'influence sur les gouvernements que n'en a la prière sur Dieu...
Mais dans les deux cas on a le sentiment d'avoir participé, d'avoir fait de son mieux.
Et vogue la galère !
Mais dans les deux cas on a le sentiment d'avoir participé, d'avoir fait de son mieux.
Et vogue la galère !
Re: Voter est-il un devoir ?
Oui je pense que le jeu de la séduction pratiqué par certains politiciens n'est pas toujours efficace, est j'aurais tendance à dire tant mieux ! Car le citoyen n'est pas un jouet... Faire de son mieux, tu as raison abac, avec le sentiment d'avoir contribué à quelque chose de concrêt, c'est important selon moi.
Invité- Invité
Re: Voter est-il un devoir ?
LordToms a écrit:43,71% d'abstention pour ce second tour des législatives. "Nice score" ! Comme diraient les anglophones... Du jamais vu...
Ben oui ! mais ça n'a rien changé, puisque l'élection se fait par bulletins exprimés.
Ca n'a pas changé quoique ce soit.
Donc zéro pointé, nada
Re: Voter est-il un devoir ?
Loli a écrit:LordToms a écrit:43,71% d'abstention pour ce second tour des législatives. "Nice score" ! Comme diraient les anglophones... Du jamais vu...
Ben oui ! mais ça n'a rien changé, puisque l'élection se fait par bulletins exprimés.
Ca n'a pas changé quoique ce soit.
Donc zéro pointé, nada
Oui c'est ce que je disais quelques posts plus loin !
LordToms- Président du CAJMP
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Date d'inscription : 21/05/2012
Age : 35
Localisation : Haute-Garonne
Re: Voter est-il un devoir ?
Le Figaro, 28 novembre 1888
Une chose m'étonne prodigieusement — j'oserai dire qu'elle me stupéfie — c'est qu'à l'heure scientifique où j'écris, après les innombrables expériences, après les scandales journaliers, il puisse exister encore dans notre chère France (comme ils disent à la Commission du budget) un électeur, un seul électeur, cet animal irrationnel, inorganique, hallucinant, qui consente à se déranger de ses affaires, de ses rêves ou de ses plaisirs, pour voter en faveur de quelqu'un ou de quelque chose. Quand on réfléchit un seul instant, ce surprenant phénomène n'est-il pas fait pour dérouter les philosophies les plus subtiles et confondre la raison ?
Où est-il le Balzac qui nous donnera la physiologie de l'électeur moderne ? et le Charcot qui nous expliquera l'anatomie et les mentalités de cet incurable dément ? Nous l'attendons.
Je comprends qu'un escroc trouve toujours des actionnaires, la Censure des défenseurs, l'Opéra-Comique des dilettanti, le Constitutionnel des abonnés, M. Carnot des peintres qui célèbrent sa triomphale et rigide entrée dans une cité languedocienne ; je comprends M. Chantavoine s 'obstinant à chercher des rimes ; je comprends tout. Mais qu'un député, ou un sénateur, ou un président de République, ou n'importe lequel parmi tous les étranges farceurs qui réclament une fonction élective, quelle qu'elle soit, trouve un électeur, c'est-à-dire 1'être irrêvé, le martyr improbable, qui vous nourrit de son pain, vous vêt de sa laine, vous engraisse de sa chair, vous enrichit de son argent, avec la seule perspective de recevoir, en échange de ces prodigalités, des coups de trique sur la nuque, des coups de pied au derrière, quand ce n'est pas des coups de fusil dans la poitrine, en vérité, cela dépasse les notions déjà pas mal pessimistes que je m'étais faites jusqu'ici de la sottise humaine, en général, et de la sottise française en particulier, notre chère et immortelle sottise, ô chauvin !
Il est bien entendu que je parle ici de l'électeur averti, convaincu, de l'électeur théoricien, de celui qui s'imagine, le pauvre diable, faire acte de citoyen libre, étaler sa souveraineté, exprimer ses opinions, imposer — ô folie admirable et déconcertante — des programmes politiques et des revendications sociales ; et non point de l'électeur « qui la connaît » et qui s'en moque, de celui qui ne voit dans « les résultats de sa toute-puissance » qu'une rigolade à la charcuterie monarchiste, ou une ribote au vin républicain. Sa souveraineté à celui-là, c'est de se pocharder aux frais du suffrage universel. Il est dans le vrai, car cela seul lui importe, et il n'a cure du reste. Il sait ce qu'il fait. Mais les autres ?
Ah ! oui, les autres ! Les sérieux, les austères, les peuple souverain, ceux-là qui sentent une ivresse les gagner lorsqu'ils se regardent et se disent : « Je suis électeur ! Rien ne se fait que par moi. Je suis la base de la société moderne. Par ma volonté, Floque fait des lois auxquelles sont astreints trente-six millions d'hommes, et Baudry d'Asson aussi, et Pierre Alype également. » Comment y en a-t-il encore de cet acabit ? Comment, si entêtés, si orgueilleux, si paradoxaux qu'ils soient, n'ont-ils pas été, depuis longtemps, découragés et honteux de leur œuvre ? Comment peut-il arriver qu'il se rencontre quelque part, même dans le fond des landes perdues de la Bretagne, même dans les inaccessibles cavernes des Cévennes et des Pyrénées, un bonhomme assez stupide, assez déraisonnable, assez aveugle à ce qui se voit, assez sourd à ce qui se dit, pour voter bleu, blanc ou rouge, sans que rien l'y oblige, sans qu'on le paye ou sans qu'on le soûle ?
À quel sentiment baroque, à quelle mystérieuse suggestion peut bien obéir ce bipède pensant, doué d'une volonté, à ce qu'on prétend, et qui s'en va, fier de son droit, assuré qu'il accomplit un devoir, déposer dans une boîte électorale quelconque un quelconque bulletin, peu importe le nom qu'il ait écrit dessus ?... Qu'est-ce qu'il doit bien se dire, en dedans de soi, qui justifie ou seulement qui explique cet acte extravagant ?
Qu'est-ce qu'il espère ? Car enfin, pour consentir à se donner des maîtres avides qui le grugent et qui l'assomment, il faut qu'il se dise et qu'il espère quelque chose d'extraordinaire que nous ne soupçonnons pas. Il faut que, par de puissantes déviations cérébrales, les idées de député correspondent en lui à des idées de science, de justice, de dévouement, de travail et de probité ; il faut que dans les noms seuls de Barbe et de Baihaut, non moins que dans ceux de Rouvier et de Wilson, il découvre une magie spéciale et qu'il voie, au travers d'un mirage, fleurir et s'épanouir dans Vergoin et dans Hubbard, des promesses de bonheur futur et de soulagement immédiat. Et c'est cela qui est véritablement effrayant. Rien ne lui sert de leçon, ni les comédies les plus burlesques, ni les plus sinistres tragédies.
Voilà pourtant de longs siècles que le monde dure, que les sociétés se déroulent et se succèdent, pareilles les unes aux autres, qu'un fait unique domine toutes les histoires : la protection aux grands, l'écrasement aux petits. Il ne peut arriver à comprendre qu'il n'a qu'une raison d'être historique, c'est de payer pour un tas de choses dont il ne jouira jamais, et de mourir pour des combinaisons politiques qui ne le regardent point.
Que lui importe que ce soit Pierre ou Jean qui lui demande son argent et qui lui prenne la vie, puisqu'il est obligé de se dépouiller de l'un, et de donner l'autre ? Eh bien ! non. Entre ses voleurs et ses bourreaux, il a des préférences, et il vote pour les plus rapaces et les plus féroces. Il a voté hier, il votera demain, il votera toujours. Les moutons vont à l'abattoir. Ils ne se disent rien, eux, et ils n'espèrent rien. Mais du moins ils ne votent pas pour le boucher qui les tuera, et pour le bourgeois qui les mangera. Plus bête que les bêtes, plus moutonnier que les moutons, l'électeur nomme son boucher et choisit son bourgeois. Il a fait des Révolutions pour conquérir ce droit.
Ô bon électeur, inexprimable imbécile, pauvre hère, si, au lieu de te laisser prendre aux rengaines absurdes que te débitent chaque matin, pour un sou, les journaux grands ou petits, bleus ou noirs, blancs ou rouges, et qui sont payés pour avoir ta peau ; si, au lieu de croire aux chimériques flatteries dont on caresse ta vanité, dont on entoure ta lamentable souveraineté en guenilles, si, au lieu de t'arrêter, éternel badaud, devant les lourdes duperies des programmes ; si tu lisais parfois, au coin du feu, Schopenhauer et Max Nordau, deux philosophes qui en savent long sur tes maîtres et sur toi, peut-être apprendrais-tu des choses étonnantes et utiles. Peut-être aussi, après les avoir lus, serais-tu moins empressé à revêtir ton air grave et ta belle redingote, à courir ensuite vers les urnes homicides où, quelque nom que tu mettes, tu mets d'avance le nom de ton plus mortel ennemi. Ils te diraient, en connaisseurs d'humanité, que la politique est un abominable mensonge, que tout y est à l'envers du bon sens, de la justice et du droit, et que tu n'as rien à y voir, toi dont le compte est réglé au grand livre des destinées humaines.
Rêve après cela, si tu veux, des paradis de lumières et de parfums, des fraternités impossibles, des bonheurs irréels. C'est bon de rêver, et cela calme la souffrance. Mais ne mêle jamais l'homme à ton rêve, car là où est l'homme, là est la douleur, la haine et le meurtre. Surtout, souviens-toi que l'homme qui sollicite tes suffrages est, de ce fait, un malhonnête homme, parce qu'en échange de la situation et de la fortune où tu le pousses, il te promet un tas de choses merveilleuses qu'il ne te donnera pas et qu'il n'est pas d'ailleurs, en son pouvoir de te donner. L'homme que tu élèves ne représente ni ta misère, ni tes aspirations, ni rien de toi ; il ne représente que ses propres passions et ses propres intérêts, lesquels sont contraires aux tiens. Pour te réconforter et ranimer des espérances qui seraient vite déçues, ne va pas t'imaginer que le spectacle navrant auquel tu assistes aujourd'hui est particulier à une époque ou à un régime, et que cela passera. Toutes les époques se valent, et aussi tous les régimes, c'est-à-dire qu'ils ne valent rien. Donc, rentre chez toi, bonhomme, et fais la grève du suffrage universel. Tu n'as rien à y perdre, je t'en réponds ; et cela pourra t'amuser quelque temps. Sur le seuil de ta porte, fermée aux quémandeurs d'aumônes politiques, tu regarderas défiler la bagarre, en fumant silencieusement ta pipe.
Et s'il existe, en un endroit ignoré, un honnête homme capable de te gouverner et de t'aimer, ne le regrette pas. Il serait trop jaloux de sa dignité pour se mêler à la lutte fangeuse des partis, trop fier pour tenir de toi un mandat que tu n'accordes jamais qu'à l'audace cynique, à l'insulte et au mensonge.
Je te l'ai dit, bonhomme, rentre chez toi et fais la grève.
Octave Mirbeau.
Une chose m'étonne prodigieusement — j'oserai dire qu'elle me stupéfie — c'est qu'à l'heure scientifique où j'écris, après les innombrables expériences, après les scandales journaliers, il puisse exister encore dans notre chère France (comme ils disent à la Commission du budget) un électeur, un seul électeur, cet animal irrationnel, inorganique, hallucinant, qui consente à se déranger de ses affaires, de ses rêves ou de ses plaisirs, pour voter en faveur de quelqu'un ou de quelque chose. Quand on réfléchit un seul instant, ce surprenant phénomène n'est-il pas fait pour dérouter les philosophies les plus subtiles et confondre la raison ?
Où est-il le Balzac qui nous donnera la physiologie de l'électeur moderne ? et le Charcot qui nous expliquera l'anatomie et les mentalités de cet incurable dément ? Nous l'attendons.
Je comprends qu'un escroc trouve toujours des actionnaires, la Censure des défenseurs, l'Opéra-Comique des dilettanti, le Constitutionnel des abonnés, M. Carnot des peintres qui célèbrent sa triomphale et rigide entrée dans une cité languedocienne ; je comprends M. Chantavoine s 'obstinant à chercher des rimes ; je comprends tout. Mais qu'un député, ou un sénateur, ou un président de République, ou n'importe lequel parmi tous les étranges farceurs qui réclament une fonction élective, quelle qu'elle soit, trouve un électeur, c'est-à-dire 1'être irrêvé, le martyr improbable, qui vous nourrit de son pain, vous vêt de sa laine, vous engraisse de sa chair, vous enrichit de son argent, avec la seule perspective de recevoir, en échange de ces prodigalités, des coups de trique sur la nuque, des coups de pied au derrière, quand ce n'est pas des coups de fusil dans la poitrine, en vérité, cela dépasse les notions déjà pas mal pessimistes que je m'étais faites jusqu'ici de la sottise humaine, en général, et de la sottise française en particulier, notre chère et immortelle sottise, ô chauvin !
Il est bien entendu que je parle ici de l'électeur averti, convaincu, de l'électeur théoricien, de celui qui s'imagine, le pauvre diable, faire acte de citoyen libre, étaler sa souveraineté, exprimer ses opinions, imposer — ô folie admirable et déconcertante — des programmes politiques et des revendications sociales ; et non point de l'électeur « qui la connaît » et qui s'en moque, de celui qui ne voit dans « les résultats de sa toute-puissance » qu'une rigolade à la charcuterie monarchiste, ou une ribote au vin républicain. Sa souveraineté à celui-là, c'est de se pocharder aux frais du suffrage universel. Il est dans le vrai, car cela seul lui importe, et il n'a cure du reste. Il sait ce qu'il fait. Mais les autres ?
Ah ! oui, les autres ! Les sérieux, les austères, les peuple souverain, ceux-là qui sentent une ivresse les gagner lorsqu'ils se regardent et se disent : « Je suis électeur ! Rien ne se fait que par moi. Je suis la base de la société moderne. Par ma volonté, Floque fait des lois auxquelles sont astreints trente-six millions d'hommes, et Baudry d'Asson aussi, et Pierre Alype également. » Comment y en a-t-il encore de cet acabit ? Comment, si entêtés, si orgueilleux, si paradoxaux qu'ils soient, n'ont-ils pas été, depuis longtemps, découragés et honteux de leur œuvre ? Comment peut-il arriver qu'il se rencontre quelque part, même dans le fond des landes perdues de la Bretagne, même dans les inaccessibles cavernes des Cévennes et des Pyrénées, un bonhomme assez stupide, assez déraisonnable, assez aveugle à ce qui se voit, assez sourd à ce qui se dit, pour voter bleu, blanc ou rouge, sans que rien l'y oblige, sans qu'on le paye ou sans qu'on le soûle ?
À quel sentiment baroque, à quelle mystérieuse suggestion peut bien obéir ce bipède pensant, doué d'une volonté, à ce qu'on prétend, et qui s'en va, fier de son droit, assuré qu'il accomplit un devoir, déposer dans une boîte électorale quelconque un quelconque bulletin, peu importe le nom qu'il ait écrit dessus ?... Qu'est-ce qu'il doit bien se dire, en dedans de soi, qui justifie ou seulement qui explique cet acte extravagant ?
Qu'est-ce qu'il espère ? Car enfin, pour consentir à se donner des maîtres avides qui le grugent et qui l'assomment, il faut qu'il se dise et qu'il espère quelque chose d'extraordinaire que nous ne soupçonnons pas. Il faut que, par de puissantes déviations cérébrales, les idées de député correspondent en lui à des idées de science, de justice, de dévouement, de travail et de probité ; il faut que dans les noms seuls de Barbe et de Baihaut, non moins que dans ceux de Rouvier et de Wilson, il découvre une magie spéciale et qu'il voie, au travers d'un mirage, fleurir et s'épanouir dans Vergoin et dans Hubbard, des promesses de bonheur futur et de soulagement immédiat. Et c'est cela qui est véritablement effrayant. Rien ne lui sert de leçon, ni les comédies les plus burlesques, ni les plus sinistres tragédies.
Voilà pourtant de longs siècles que le monde dure, que les sociétés se déroulent et se succèdent, pareilles les unes aux autres, qu'un fait unique domine toutes les histoires : la protection aux grands, l'écrasement aux petits. Il ne peut arriver à comprendre qu'il n'a qu'une raison d'être historique, c'est de payer pour un tas de choses dont il ne jouira jamais, et de mourir pour des combinaisons politiques qui ne le regardent point.
Que lui importe que ce soit Pierre ou Jean qui lui demande son argent et qui lui prenne la vie, puisqu'il est obligé de se dépouiller de l'un, et de donner l'autre ? Eh bien ! non. Entre ses voleurs et ses bourreaux, il a des préférences, et il vote pour les plus rapaces et les plus féroces. Il a voté hier, il votera demain, il votera toujours. Les moutons vont à l'abattoir. Ils ne se disent rien, eux, et ils n'espèrent rien. Mais du moins ils ne votent pas pour le boucher qui les tuera, et pour le bourgeois qui les mangera. Plus bête que les bêtes, plus moutonnier que les moutons, l'électeur nomme son boucher et choisit son bourgeois. Il a fait des Révolutions pour conquérir ce droit.
Ô bon électeur, inexprimable imbécile, pauvre hère, si, au lieu de te laisser prendre aux rengaines absurdes que te débitent chaque matin, pour un sou, les journaux grands ou petits, bleus ou noirs, blancs ou rouges, et qui sont payés pour avoir ta peau ; si, au lieu de croire aux chimériques flatteries dont on caresse ta vanité, dont on entoure ta lamentable souveraineté en guenilles, si, au lieu de t'arrêter, éternel badaud, devant les lourdes duperies des programmes ; si tu lisais parfois, au coin du feu, Schopenhauer et Max Nordau, deux philosophes qui en savent long sur tes maîtres et sur toi, peut-être apprendrais-tu des choses étonnantes et utiles. Peut-être aussi, après les avoir lus, serais-tu moins empressé à revêtir ton air grave et ta belle redingote, à courir ensuite vers les urnes homicides où, quelque nom que tu mettes, tu mets d'avance le nom de ton plus mortel ennemi. Ils te diraient, en connaisseurs d'humanité, que la politique est un abominable mensonge, que tout y est à l'envers du bon sens, de la justice et du droit, et que tu n'as rien à y voir, toi dont le compte est réglé au grand livre des destinées humaines.
Rêve après cela, si tu veux, des paradis de lumières et de parfums, des fraternités impossibles, des bonheurs irréels. C'est bon de rêver, et cela calme la souffrance. Mais ne mêle jamais l'homme à ton rêve, car là où est l'homme, là est la douleur, la haine et le meurtre. Surtout, souviens-toi que l'homme qui sollicite tes suffrages est, de ce fait, un malhonnête homme, parce qu'en échange de la situation et de la fortune où tu le pousses, il te promet un tas de choses merveilleuses qu'il ne te donnera pas et qu'il n'est pas d'ailleurs, en son pouvoir de te donner. L'homme que tu élèves ne représente ni ta misère, ni tes aspirations, ni rien de toi ; il ne représente que ses propres passions et ses propres intérêts, lesquels sont contraires aux tiens. Pour te réconforter et ranimer des espérances qui seraient vite déçues, ne va pas t'imaginer que le spectacle navrant auquel tu assistes aujourd'hui est particulier à une époque ou à un régime, et que cela passera. Toutes les époques se valent, et aussi tous les régimes, c'est-à-dire qu'ils ne valent rien. Donc, rentre chez toi, bonhomme, et fais la grève du suffrage universel. Tu n'as rien à y perdre, je t'en réponds ; et cela pourra t'amuser quelque temps. Sur le seuil de ta porte, fermée aux quémandeurs d'aumônes politiques, tu regarderas défiler la bagarre, en fumant silencieusement ta pipe.
Et s'il existe, en un endroit ignoré, un honnête homme capable de te gouverner et de t'aimer, ne le regrette pas. Il serait trop jaloux de sa dignité pour se mêler à la lutte fangeuse des partis, trop fier pour tenir de toi un mandat que tu n'accordes jamais qu'à l'audace cynique, à l'insulte et au mensonge.
Je te l'ai dit, bonhomme, rentre chez toi et fais la grève.
Octave Mirbeau.
Pimbi- Grand Initié
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Date d'inscription : 09/02/2012
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Localisation : Ouskiya de l'Irouléguy
Re: Voter est-il un devoir ?
Admirable de lucidité !
Un plaidoyer pour l'abstentionnisme ?
Mais qui élira-t-on dans une démocratie négativiste ?
Un plaidoyer pour l'abstentionnisme ?
Mais qui élira-t-on dans une démocratie négativiste ?
Nelson- Grand Maitre Suprême
- Messages : 6859
Date d'inscription : 25/04/2011
Localisation : Hic et nunc
Re: Voter est-il un devoir ?
Il s'agit de donner à ce mot, démocratie, un sens honnête, c'est à dire une réalité dans laquelle le citoyen possède un droit d'intervention direct, net, précis et efficace, et non la triste caricature dont on nous rebat les oreilles aujourd'hui. Revenons aux sources, ce sera un progrès : sous la démocratie athénienne, tout magistrat qui n'était pas acclamé en fin de mandat subissait un bannissement. De notre temps, n'importe quel ancien président peut avoir piqué dans la caisse, il est sûr de s'en tirer les braies nettes. Et tu veux que par mon vote j'accrédite un système pareil, où l'impunité des escrocs est garantie ? Allons, un peu de sérieux...
Pimbi- Grand Initié
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Date d'inscription : 09/02/2012
Age : 38
Localisation : Ouskiya de l'Irouléguy
Re: Voter est-il un devoir ?
Je vote. toujours. En attendant de pouvoir (savoir, je sais) bouleverser assez les éléments de mon épure individuelle et collective. Je ne peux pas, pour le moment. Mais un jour viendra, je l'espère et voudrais le croire, où non plus moi, mais d'autres de la génération de Pimbi, auront l'embarras du choix entre une vie fagottée en Vie et une existence pleine de belles choses qu'on n'ose pas même murmurer sans que la matraque institutionnelle n'intervienne aussitôt.
Les "veaux" qui votent créent des majorités, relatives certes (suivant les cas) mais comme moi, ils votent pour user jusqu'à la corde le système et qu'au bout du compte la poulie s'affole, le seau tombe dans le puits, s'y enfonce comme un Nobel dans les entrailles de l'Oubli, ce réceptacle de tous les bonheurs... Je vote pour cela, pour que, par groupuscues d'affinités, les Etres soient amenés à se choisir non un maître mais un destin hors-d'un-Dieu-révélé.
Même si je dois me faire asséner le "Journal d'une femme de chambre", j'aurai sinon le journal ou la femme, du moins la chambre d'où je contemplerai la révolution en marche. Non pas celle qui m'use et m'amuse, mais celle qui musarde dans la Beauté infinie des âges, de tous âges? Et même du mien, plus évanescent que les votes (mince, j'ai oublié un "r" à "votres" !).
Les "veaux" qui votent créent des majorités, relatives certes (suivant les cas) mais comme moi, ils votent pour user jusqu'à la corde le système et qu'au bout du compte la poulie s'affole, le seau tombe dans le puits, s'y enfonce comme un Nobel dans les entrailles de l'Oubli, ce réceptacle de tous les bonheurs... Je vote pour cela, pour que, par groupuscues d'affinités, les Etres soient amenés à se choisir non un maître mais un destin hors-d'un-Dieu-révélé.
Même si je dois me faire asséner le "Journal d'une femme de chambre", j'aurai sinon le journal ou la femme, du moins la chambre d'où je contemplerai la révolution en marche. Non pas celle qui m'use et m'amuse, mais celle qui musarde dans la Beauté infinie des âges, de tous âges? Et même du mien, plus évanescent que les votes (mince, j'ai oublié un "r" à "votres" !).
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