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Arthur Rimbaud

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Pimbi
Satie
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Arthur Rimbaud Empty Arthur Rimbaud

Message par Invité Sam 19 Nov - 15:29

Bien entendu, une section poésie sans allusion à Arthur Rimbaud serait quelque peu incomplète. Aussi, voici un extrait d'un recueil écrits entre 1870 et 1871. Son style formidablement original fait penser à l'intensité et l'audace de Baudelaire (qu'il admirait), tous deux avaient cet aplomb dans le vers, ce courage poétique. Sans compter son riche vocabulaire... (Tous ces commentaires n'engageant que moi bien entendu ! Wink )

LA TETE DE FAUNE (1870)

Dans la feuillée, écrin vert tâché d'or,
Dans la feuillée incertaine et fleurie
De fleurs splendides où le baiser dort,
Vif et crevant l'exquise broderie,

Un faune effaré montre ses deux yeux
Et mord les fleurs rouges de ses dents blanches.
Brunie et sanglante ainsi qu'un vin vieux,
Sa lèvre éclate en rires sous les branches.

Et quand il a fuit - Tel qu'un écureuil -
Son rire tremble encore à chaque feuille
Où l'on voit épeuré par un bouvreuil
Le baiser d'or du bois, qui se recueille.

§§§§

ORAISON DU SOIR

Je vis assis, tel qu'un ange aux mains d'un barbier,
Empoignant une chope à fortes cannelures,
L'hypogastre et le col cambrés, une Gambier
Aux dents, sous l'air gonflé d'impalpables voilures.

Tels que les excréments chauds d'un vieux colombier,
Mille rêves en moi font de douces brûlures :
Puis par instants mon coeur triste et comme un aubier
Qu'ensanglante l'or jeune et sombre des coulures.

Puis, quand j'ai ravalé mes rêves avec soin,
Je me tourne, ayant bu trente ou quarante chopes,
Et me recueille, pour lâcher l'âcre besoin :

Doux comme le seigneur du cèdre et des hysopes,
Je pisse vers les cieux bruns, très haut et très loin,
Avec l'assentiment des grands héliotropes.

§§§§

Rimbaud et Baudelaire savaient magnifier des choses banales avec érudition ! Un humour mêlé d'un vocabulaire choisi avec grand soin, et une pertinence désarmante...

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Message par Invité Sam 19 Nov - 22:36

Notez aussi l'incroyable maestria de Rimbaud dans sa manipulation musicale des mots, et à fortiori des vers !

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Arthur Rimbaud Empty Ophélie

Message par Invité Jeu 8 Déc - 21:53

Mes chers amis, voici un autre poème (Du moins un extrait) de l'oeuvre d'Arthur Rimbaud...

OPHELIE

Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles,
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles...
-On entend dans les bois lointains des hallalis.

Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir ;
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir...

Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses grands voiles bercés mollement par les eaux;
Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
Sur son grand front rêveur s'incline les roseaux.

Les nénuphars froissés soupirent autour d'elle;
Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
Quelque nid, d'où s'échappe un petit frisson d'elle:
-Un chant mystérieux tombe des astres d'or...



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Message par Satie Dim 27 Mai - 19:20

J'étudie Rimbaud avec mes élèves, et j'avoue avoir une petite préférence pour ses poèmes en prose (Une saison en enfer essentiellement), où la révolution poétique se fait vraiment sentir.

Jadis, si je me souviens bien, ma vie était un festin où s'ouvraient tous les coeurs, où tous les vins coulaient.

Un soir, j'ai assis la Beauté sur mes genoux. - Et je l'ai trouvée amère. - Et je l'ai injuriée.

Je me suis armé contre la justice.

Je me suis enfui. O sorcières, ô misère, ô haine, c'est à vous que mon trésor a été confié !

Je parvins à faire s'évanouir dans mon esprit toute l'espérance humaine. Sur toute joie pour l'étrangler j'ai fait le bond sourd de la bête féroce.

J'ai appelé les bourreaux pour, en périssant, mordre la crosse de leurs fusils. J'ai appelé les fléaux, pour m'étouffer avec le sable, avec le sang. Le malheur a été mon dieu. Je me suis allongé dans la boue. Je me suis séché à l'air du crime. Et j'ai joué de bons tours à la folie.

Et le printemps m'a apporté l'affreux rire de l'idiot.

Or, tout dernièrement, m'étant trouvé sur le point de faire le dernier couac ! j'ai songé à rechercher la clef du festin ancien, où je reprendrais peut-être appétit.

La charité est cette clef. - Cette inspiration prouve que j'ai rêvé !

"Tu resteras hyène, etc..." se récrie le démon qui me couronna de si aimables pavots. "Gagne la mort avec tous tes appétits, et ton égoïsme et tous les péchés capitaux."

Ah ! j'en ai trop pris : - Mais, cher Satan, je vous en conjure, une prunelle moins irritée ! et en attendant les quelques petites lâchetés en retard, vous qui aimez dans l'écrivain l'absence des facultés descriptives ou instructives, je vous détache des quelques hideux feuillets de mon carnet de damné.
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Message par Invité Dim 27 Mai - 21:21

Merci à toi Satie, c'est gentil de nous avoir fait partager un peu du génie de ce grand poète...

Rimbaud est un poète formidable, mais ce n'est pas mon préféré. C'est Victor Hugo qui a ma préférence, j'affectionne particulièrement sa poésie claire-obscure, mélancolique et romantique à souhait ! Mon oeuvre de chevet : les contemplations.

Donc j'en déduis que tu es enseignante Satie ? Professeur ?

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Message par Satie Dim 27 Mai - 21:41

Oui, je suis prof de lettres modernes !
Je suis aussi une grande admiratrice de Victor Hugo, et comme toi, je le préfère à Rimbaud...
Je l'aime poète, romancier, dramaturge... J'aime tous ses écrits.
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Message par Invité Dim 27 Mai - 22:06

Ah ! Je crois que nous avons des choses à nous dire Satie ! Smile

Quand deux passionnés de Victor Hugo se rencontrent, de quoi parlent-ils ?

As-tu lu "la légende des siècles" ? Autre "pavé" du grand Victor. Là j'avoue que je n'en ai pas vu la fin, oeuvre titanesque...

La poésie de VH est tellement belle que lorsque je l'ai découverte je n'ai pu m'empêcher d'acheter mon premier livre sur sa poésie. Ensuite j'ai cherché de belles éditions, et j'en possède une qui est magnifique. Sa poésie me touche plus qu'aucune autre, je la trouve pénétrante, émouvante et lumineuse. En même temps elle est sombre, triste, mais d'une pureté que j'aime beaucoup. Quel homme, et quel auteur !


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Message par Invité Dim 27 Mai - 22:09

Et au fait, que penses-tu de mes poèmes Satie ?

Bien sûr je ne suis pas Victor Hugo, mais j'aime en composer de temps à autre, pour mon plaisir... Humblement.

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Message par Satie Dim 27 Mai - 22:19

Oui, j'ai vu que tu avais publié de nombreux poèmes sur le forum Olive.
Je n'ai pas eu le temps d'en lire beaucoup, mais j'ai apprécié, à première vue, leur pureté.
Si tu me le permets, je vais prendre le temps de les lire et je reviendrai plus tard (sans doute demain) t'en parler.

J'écris aussi, mais pas de la poésie, plutôt des articles (sur des livres). Je ne sais pas s'ils auraient leur place sur ce forum.

Sinon, je n'ai lu que des extraits de La Légende des siècles, j'apprécie beaucoup, mais j'ai du mal à mener des lectures suivies sur des recueils. J'aime particulièrement "Booz endormi"...


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Message par Invité Dim 27 Mai - 22:31

Bien sûr Satie, prends ton temps...

Et moi j'aimerais bien lire tes articles, peut être que j'en aurai l'occasion un jour ? J'espère.

A plus tard !

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Message par Satie Lun 28 Mai - 11:18

Tes poèmes me plaisent beaucoup, vraiment Smile Ils sont très agréables à lire et surtout, très apaisants.
Tu écris tous les jours ? Combien de temps te faut-il pour écrire un poème ?
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Message par Pimbi Lun 28 Mai - 11:35

Eh là ! Deux passionnés de Totor ? Ajoutez-y un troisième.
Avez-vous jamais lu ses deux épopées poétiques, La fin de Satan, et Dieu ? Quelle puissance de plume, quel génie !

Tous ces cultes, soufflant l’enfer de leurs narines,
Mâchent des ossements mêlés à leurs doctrines ;
Tous se sont proclamés vrais sous peine de mort.


______________________________________________

Si l’homme pénétrait sa vie antérieure,
La future serait transparente ; il verrait
A travers un secret connu, l’autre secret ;
Son regard atteindrait de sa sphère à la nôtre,
Et, perçant une nuit, il pourrait percer l’autre.
Il ne serait plus l’homme, il ne douterait plus.
Qu’est-ce que l’océan sans flux et sans reflux ?
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Message par Invité Mer 13 Juin - 23:32

Loin des oiseaux, des troupeaux, des villageoises,
Que buvais-je, à genoux dans cette bruyère
Entourée de tendres bois de noisetiers,
Dans un brouillard d'après midi tiède et vert ?

Que pouvais-je boire dans cette jeune Oise,
Ormeaux sans voix, gazon sans fleurs, ciel ouvert !
Boire à ces gourdes jaunes, loin de ma case
Chérie ? Quelque liqueur d'or qui fait suer.

Je faisais une louche enseigne d'auberge.
- Un orage vint chasser le ciel. Au soir
L'eau des bois se perdait sur les sables vierges,
Le vent de Dieu jetait des glaçons aux mares ;

Pleurant, je voyais de l'or - et ne pus boire.

(Extrait de : "Une saison en enfer")

Arthur, on ne s'en lasse jamais...

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Message par Lux Lisbon Jeu 14 Juin - 17:25

Le Bateau ivre

Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots
Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !

Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres,
L'eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d'astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;

Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rhythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l'amour !

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : je sais le soir,
L'Aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,
Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir !

J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !

J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes,
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !

J'ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries
Hystériques, la houle à l'assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !

J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux
D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !

J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulements d'eaux au milieu des bonaces,
Et les lointains vers les gouffres cataractant !

Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises !
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés des punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !

J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.
- Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d'ineffables vents m'ont ailé par instants.

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d'ombre aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...

Presque île, ballottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d'oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds.
Et je voguais, lorsqu'à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir, à reculons !

Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau ;

Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d'azur ;

Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;

Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets !

J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
- Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t'exiles,
Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ?

Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer !

Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.
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Message par Littlewingrunner Jeu 14 Juin - 17:49

Le Bateau ivre ... Ça laisse songeur. La rime "îles" " exiles" est particulièrement forte je trouve.

Pour ma part mon favoris est son dernier, en prose, "Parade" :

Des drôles très solides. Plusieurs ont exploité vos mondes. Sans besoins, et peu pressés de mettre en oeuvre leurs brillantes facultés et leur expérience de vos consciences. Quels hommes mûrs ! Des yeux hébétés à la façon de la nuit d'été, rouges et noirs, tricolores, d'acier piqué d'étoiles d'or ; des faciès déformés, plombés, blêmis, incendiés ; des enrouements folâtres ! La démarche cruelle des oripeaux ! - Il y a quelques jeunes, - comment regarderaient-ils Chérubin ? - pourvus de voix effrayantes et de quelques ressources dangereuses. On les envoie prendre du dos en ville, affublés d'un luxe dégoûtant.

O le plus violent Paradis de la grimace enragée ! Pas de comparaison avec vos Fakirs et les autres bouffonneries scéniques. Dans des costumes improvisés avec le goût du mauvais rêve ils jouent des complaintes, des tragédies de malandrins et de demi-dieux spirituels comme l'histoire ou les religions ne l'ont jamais été. Chinois, Hottentots, bohémiens, niais, hyènes, Molochs, vieilles démences, démons sinistres, ils mêlent les tours populaires, maternels, avec les poses et les tendresses bestiales. Ils interpréteraient des pièces nouvelles et des chansons "bonnes filles". Maîtres jongleurs, ils transforment le lieu et les personnes, et usent de la comédie magnétique. Les yeux flambent, le sang chante, les os s'élargissent, les larmes et des filets rouges ruissellent. Leur raillerie ou leur terreur dure une minute, ou des mois entiers.

J'ai seul la clef de cette parade sauvage.
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Message par Nelson Jeu 14 Juin - 18:37

Puissant !
On dirait Lautréamont et ses invectives !
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Message par Nastassia Mer 4 Déc - 21:08

Sublime ! Total respect !




LES PREMIERES COMMUNIONS


Vraiment, c'est bête, ces églises des villages
Où quinze laids marmots encrassant les piliers 
Écoutent, grasseyant les divins babillages ;
Un noir grotesque dont fermentent les souliers :
Mais le soleil éveille à travers les feuillages
Les vieilles couleurs des vitraux irréguliers.
La pierre sent toujours la terre maternelle.
Vous verrez des monceaux de ces cailloux terreux
Dans la campagne en rut qui frémit solennelle
Portant près des blés lourds, dans les sentiers ocreux,
Ces arbrisseaux brûlés où bleuit la prunelle,
Des noeuds de mûriers noirs et de rosiers fuireux.
Tous les cent ans, on rend ces granges respectables
Par un badigeon d'eau bleue et de lait caillé :
Si des mysticités grotesques sont notables 
Près de la Notre-Dame ou du Saint empaillé,
Des mouches sentant bon l'auberge et les étables 
Se gorgent de cire au plancher ensoleillé.
L'enfant se doit surtout à la maison, famille 
Des soins naïfs, des bons travaux abrutissants ;
Ils sortent, oubliant que la peau leur fourmille
Où le Prêtre du Christ plaqua ses doigts puissants.
On paie au Prêtre un toit ombré d'une charmille
Pour qu'il laisse au soleil tous ces fronts brunissants.
Le premier habit noir, le plus beau jour de tartes,
Sous le Napoléon ou le Petit Tambour
Quelque enluminure où les Josephs et les Marthes
Tirent la langue avec un excessif amour 
Et qui joindront, aux jours de science, deux cartes,
Ces deux seuls souvenirs lui reste du grand Jour.
Les filles vont toujours à l'église, contentes 
De s'entendre appeler garces par les garçons
Qui font du genre après messe ou vêpres chantantes.
Eux qui sont destinés au chic des garnisons
Ils narguent au café les maisons importantes
Blousés neuf, et gueulant d'effroyables chansons.
Cependant le Curé choisit pour les enfances
Des dessins ; dans son dos, les vêpres dites, quand 
L'air s'emplit du lointain nasillement des danses, 
Il se sent, en dépit des célestes défenses,
Les doigts de pied ravis et le mollet marquant...
- La nuit vient, noir pirate aux cieux d'or débarquant.
II
Le prêtre a distingué, parmi les catéchistes,
Congrégés des Faubourgs ou des Riches Quartiers,
Cette petite fille inconnue, aux yeux tristes, 
Front jaune. Les parents semblent de doux portiers. 
"Au grand Jour, le marquant parmi les Catéchistes, 
Dieu fera sur ce front neiger ses bénitiers."
III
La veille du grand Jour, l'enfant se fait malade.
Mieux qu'à l'Eglise haute aux funèbres rumeurs,
D'abord le frisson vient, - le lit n'étant pas fade -
Un frisson surhumain qui retourne : "Je meurs..."
Et, comme un vol d'amour fait à ses soeurs stupides, 
Elle compte, abattue et les mains sur son coeur, 
Les Anges, les Jésus et ses Vierges nitides
Et, calmement, son âme a bu tout son vainqueur.
Adonaï !... - Dans les terminaisons latines, 
Des cieux moirés de vert baignent les Fronts vermeils
Et tachés du sang pur des célestes poitrines
De grands linges neigeux tombent sur les soleils !
- Pour ses virginités présentes et futures
Elle mord aux fraîcheurs de ta Rémission,
Mais plus que les lys d'eau, plus que les confitures 
Tes pardons sont glacés, ô Reine de Sion !
IV
Puis la Vierge n'est plus que la vierge du livre.
Les mystiques élans se cassent quelquefois...
Et vient la pauvreté des images, que cuivre
L'ennui, l'enluminure atroce et les vieux bois ;
Des curiosités vaguement impudiques 
Épouvantent le rêve aux chastes bleuités 
Qui s'est surpris autour des célestes tuniques,
Du linge dont Jésus voile ses nudités.
Elle veut, elle veut, pourtant, l'âme en détresse,
Le front dans l'oreiller creusé par les cris sourds,
Prolonger les éclairs suprêmes de tendresse,
Et bave... - L'ombre emplit les maisons et les cours.
Et l'enfant ne peut plus. Elle s'agite, cambre
Les reins et d'une main ouvre le rideau bleu
Pour amener un peu la fraîcheur de la chambre
Sous le drap, vers son ventre et sa poitrine en feu...
V
À son réveil, - minuit, - la fenêtre était blanche.
Devant le sommeil bleu des rideaux illunés,
La vision la prit des candeurs du dimanche ;
Elle avait rêvé rouge. Elle saigna du nez
Et se sentant bien chaste et pleine de faiblesse 
Pour savourer en Dieu son amour revenant 
Elle eut soif de la nuit où s'exalte et s'abaisse
Le coeur, sous l'oeil des cieux doux, en les devinant ;
De la nuit, Vierge-Mère impalpable, qui baigne
Tous les jeunes émois de ses silences gris,
Elle eut soif de la nuit forte où le coeur qui saigne
Écoule sans témoin sa révolte sans cris.
Et faisant la victime et la petite épouse, 
Son étoile la vit, une chandelle aux doigts
Descendre dans la cour où séchait une blouse, 
Spectre blanc, et lever les spectres noirs des toits.
VI
Elle passa sa nuit sainte dans des latrines.
Vers la chandelle, aux trous du toit coulait l'air blanc,
Et quelque vigne folle aux noirceurs purpurines,
En deçà d'une cour voisine s'écroulant.
La lucarne faisait un coeur de lueur vive
Dans la cour où les cieux bas plaquaient d'ors vermeils
Les vitres ; les pavés puant l'eau de lessive 
Souffraient l'ombre des murs bondés de noirs sommeils.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
VII
Qui dira ces langueurs et ces pitiés immondes,
Et ce qu'il lui viendra de haine, ô sales fous
Dont le travail divin déforme encor les mondes, 
Quand la lèpre à la fin mangera ce corps doux ?
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
VIII
Et quand, ayant rentré tous ses noeuds d'hystéries,
Elle verra, sous les tristesses du bonheur,
L'amant rêver au blanc million des Maries,
Au matin de la nuit d'amour, avec douleur :
"Sais-tu que je t'ai fait mourir ? J'ai pris ta bouche, 
Ton coeur, tout ce qu'on a, tout ce que vous avez ;
Et moi, je suis malade : Oh ! je veux qu'on me couche
Parmi les Morts des eaux nocturnes abreuvés !
"J'étais bien jeune, et Christ a souillé mes haleines.
Il me bonda jusqu'à la gorge de dégoûts !
Tu baisais mes cheveux profonds comme les laines,
Et je me laissais faire... ah ! va, c'est bon pour vous,
"Hommes ! qui songez peu que la plus amoureuse 
Est, sous sa conscience aux ignobles terreurs,
La plus prostituée et la plus douloureuse,
Et que tous nos élans vers vous sont des erreurs !
"Car ma Communion première est bien passée.
Tes baisers, je ne puis jamais les avoir sus :
Et mon coeur et ma chair par ta chair embrassée
Fourmillent du baiser putride de Jésus !"

IX
Alors l'âme pourrie et l'âme désolée
Sentiront ruisseler tes malédictions.
- Ils auront couché sur ta Haine inviolée, 
Échappés, pour la mort, des justes passions.
Christ ! ô Christ, éternel voleur des énergies,
Dieu qui pour deux mille ans vouas à ta pâleur,
Cloués au sol, de honte et de céphalalgies,
Ou renversés les fronts des femmes de douleur.

Juillet 1871.
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Message par Nastassia Dim 22 Déc - 17:31

Allez, en période de fêtes, je ne peux pas résister à ce passage, il est vraiment adorable : 

Very Happy
- Ah ! quel beau matin, que ce matin des étrennes !
Chacun, pendant la nuit, avait rêvé des siennes
Dans quelque songe étrange où l'on voyait joujoux,
Bonbons habillés d'or, étincelants bijoux,
Tourbillonner, danser une danse sonore,
Puis fuir sous les rideaux, puis reparaître encore !
On s'éveillait matin, on se levait joyeux,
La lèvre affriandée, en se frottant les yeux...
On allait, les cheveux emmêlés sur la tête,
Les yeux tout rayonnants, comme aux grands jours de fête,
Et les petits pieds nus effleurant le plancher,
Aux portes des parents tout doucement toucher...
On entrait !... Puis alors les souhaits... en chemise,
Les baisers répétés, et la gaîté permise !


santa rendeer queen  
Nastassia
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Petit Sage
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