Minimalisme

Je ne sous-entendais pas que les maçons non friands de musique sacrée étaient de mauvais voire de faux maçons. Mais vous semblez très attachés à la symbolique et la musique sacrée est chargée de symboles. Maintenant, Nightingale, à ta question de savoir que faire quand on croise un maçon fan de Justin Bieber ou Pokora, la réponse est simple : on l'évite. Que cette personne soit maçon ou pas, d'ailleurs. Merci à toi, bleu, te procurer plaisir dans le partage est la seule chose qui m'anime. Et rien de tel que la musique pour nous aider à panser nos plaies. C'est la meilleure médecine.

Par un procédé de composition dont il est l'inventeur, le phasing, se construisant à partir d'un court motif répété indéfiniment avec un décalage entre les voix, augmentant et diminuant durant la pièce, Steve Reich est la pierre angulaire du courant minimaliste. Son travail a permis aux compositeurs des années 70 jusqu'à nos jours de concevoir la musique autrement. Si la répétition a quelque chose de séduisant – Debussy, par exemple, aimait faire entendre une phrase deux fois plutôt qu'une –, chez Steve Reich elle est au cœur du discours. Il part en général d'une boucle autour/sur/sous laquelle viennent s'agglutiner myriades de phrases comme des fourmis autour d'une miette de pain. On pense à la musique tribale. En cela Steve Reich, mieux que personne, réussit la passerelle culturelle entre l'Occident et l'Afrique noire. Ici, son procédé s'applique à une formation de vents composée de 11 flûtes. Tendez l'oreille, vous verrez, cette musique est d'une grande richesse malgré la pauvreté volontaire du matériel. Elle sera hypnotique pour les uns ou chiante pour les autres.

Excuse-moi, Nightingale, je vais faire mon Yves Calvi :

"Oui, en somme, tout en faisant référence à l'une de ses pièces, vous le définiriez comme un compositeur traduisant l'immensité-ville dans sa musique ?"

Tu me demandes qui serait plus à même d'être réceptif au motorisme d'un Glass ou d'un Reich ? Celui ou celle, je crois, dont la machine à émotions s'est rodée avec le rock au sens large, la musique électro et les musiques du monde. Perso, c'est le bonheur qu'il prend à empiler les strates qui me fascine. J'entre à fond dans son jeu. Je suis à l'écoute, en attente de la prochaine phrase musicale alors que celles déjà énoncées fourmillent, dialoguent en un tourbillon kaléidoscopique hyper – et c'est la prouesse du truc – cohérent. Je dirais qu'il n'est pas besoin d'avoir une culture musicale étendue pour y accéder ; c'est moins évident avec John Adams, par exemple, son approche du minimalisme fait appel à bien d'autres procédés que le phasing ou l'obsessionnelle répétition. Quant à l'usage de psychotrope qui faciliterait l'écoute, la musique étant pour moi une drogue dure à part entière, je n'ai jamais ressenti le besoin de mélanger les deux. Mais chacun sa biochimie.

La contemplation, je l'ai davantage sur la musique de John Adams, notamment la pièce Shaker loops, son chef d'oeuvre pour moi. Il réussit dedans ce que Glass, par manque de vocabulaire et fainéantise, a toujours échoué. Glass a du talent, mais Reich et Adams ont du génie. Si un soir t'as 25 minutes à perdre, fais-toi le voyage Shaker loops au casque, ce sera 25 minutes de gagné. Tous les sentiments qu'on peut ressentir dans une vie sont là-dedans. C'est démoniaque tellement c'est génial !

En cherchant sur Youtube le quatuor à cordes Mishima de Phil Glass je tombe sur cette transcription pour quatre guitares.
Ben, je ne pas suis mécontent d'avoir été dérivé de ma destination première.
Ces guitaristes jettent dans nos cœurs des épluchures d'oranges gorgées du soleil d'Espagne.
Mélancoliquement savoureux !