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Dieu dans la philosophie de Spinoza

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Message par Invité Mar 17 Juil - 22:03

L'approche spinoziste du concept de Dieu me plait particulièrement. Pour tout vous dire je m'y reconnais totalement. Outre le fait que Spinoza fut un philosophe absolument génial à bien des égards, sa vision du concept de Dieu me parait si naturelle, si claire et si fluide que je n'ai pu résister à la tentation d'y succomber entièrement. Je vais me consacrer davantage à la lecture de ce génie, qui j'en suis sûr m'apportera bien des joies...

Depuis que je m'intéresse de près à la philosophie, j'ai pu aborder (sans vraiment approfondir) certains philosophes, et ce grâce notamment à LR et Lux qui sont visiblement d'excellents "élèves" ! Smile Mais il en est un qui me plait particulièrement c'est Spinoza. Je ne connais pas encore suffisamment sa pensée philosophique pour pouvoir échanger, mais je compte m'y mettre très sérieusement bientôt. D'ailleurs, dès le mois de novembre prochain, j'attaque mes cours de philo et en parallèle je lis certains auteurs. La finalité de tout cela est simple : me rendre heureux ! Et comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire dans un autre topic, pour moi le bonheur passe par la philo comme un appel. Quelque chose me dit que c'est celle de Spinoza qui me séduira le plus. Je ne ferai jamais de la philo pour briller en société, mais bel et bien pour m'enrichir, m'améliorer. Je n'ai pas de prétention, juste celle de pouvoir atteindre une certaine forme de plénitude au travers des philosophes, et pourquoi pas essayer de creuser ces questions avec mon propre esprit, d'une manière très humble évidemment. Je crois fermement que les plus grands philosophes peuvent être de grands thérapeutes, sur tout les plans. Ainsi, je voudrais m'imprégner davantage de leurs pensées, car j'ai longtemps eu soif de cela. Peut être ne comprendrai-je rien ? Mais au moins j'aurais suivi mon instinct, qui me dit d'aller vers cette philosophie qui m'appelle depuis maintenant trop longtemps...

Tout ceux qui voudront participer à ce topic, en exprimant leur avis sur Spinoza peuvent le faire, j'en serai ravi ! Si certains d'entre vous ont lu "l'éthique" par exemple...

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Message par Littlewingrunner Mar 17 Juil - 22:54

Je ne conseillerais pas l'Ethique comme première approche de Spinoza, du moins pas en lecture seule et cursive... Peut être davantage le Traité Politique. C'est du moins ce avec quoi j'ai commencé et il est bien plus simple d'accès, l'Ethique présuppose une connaissance de Descartes et une certaine aisance avec la forme géométrique du discours.

Cela dit l'Ethique est un texte formidable, dont le Livre I est effectivement tourné vers Dieu. Ce que j'ai compris en premier lieu c'est que le Dieu de Spinoza n'est pas du tout un Dieu des religions ( et les lecteurs l'ont fort bien compris en excommuniant Spinoza et en le condamnant ), c'est ce qu'on lit dans le Traité théologico politique par exemple, mais un principe, au même titre que le Dieu d'Aristote qui est en fait un principe premier. Je pense sincèrement qu'il y'a une filiation entre les deux conceptions, faisant de Dieu plus un principe qu'une entité personnelle, un principe premier. Deus sive natura : Dieu c'est à dire la nature, dans la vision personnelle de Dieu la nature est destituée, souillée par le péché originel. Or chez Spinoza la nature est divinisée, comme entité qui génère les essences particulières à partir d'un principe créateur. De fait Dieu plus que la nature, est l'univers. La première leçon que j'ai tiré de l'Ethique c'est que Dieu n'est pas Dieu ( du moins pas celui que l'on croit).

Le Dieu de Spinoza n'est pas une entité imprévisible non plus, un Dieu personnel qui peut se faire influencer par la prière, convaincre par Samuel ( comme dans la Bible sur le fait d'avoir un roi). C'est un mécanisme comblé par la nécessité, Dieu ne peut pas faire que le monde soit autre qu'il n'est actuellement, que le soleil ne se lève pas, ou que la gravitation ne soit pas effective. Il y'a une part du mécanisme cartésien qui est importée dans la conception de Dieu chez Spinoza ( c'est pour cela entre autre que je disais qu'il fallait des connaissances préalables pour lire ce livre). Dieu est un principe divin, une substance générale si on reprend l'Ethique, dans laquelle toutes les substances particulières sont incluses ( la mienne, la tienne Olive etc...). De fait nous sommes tous une partie de ce principe divin et nous ne sommes plus comme dans les religions des pécheurs ou des individus soumis à une loi transcendante ( on voit qu'il n'y a pas de religion chez Spinoza à proprement parler), c'est ce qui préserve une part de liberté chez Spinoza. Liberté qui n'est pas libre arbitre ( cela n'existe pas chez Spinoza ) mais qui consiste en une compréhension et une intellectualisation de la vie et de la nécessité, ce qui passe également par un "amour intellectuel " de Dieu chez Spinoza dans l'Ethique. Le Dieu de Spinoza est presque un principe de vie qui pousse vers le conatus chez chaque individus et donc à accroître sa puissance individuelle ( comme c'est la définition du conatus chez Spinoza).

C'est pour cette vision de Dieu quelque peu singulière que Spinoza a été condamné pour athéisme, dans un monde ou la religiosité est omniprésente. Chez Spinoza Dieu est bien existant ( il est même nécessaire comme principe fondateur et englobant) omniprésent ( en nous et dans la nature) et omniscient. Mais du point de vue judéo-chrétien un Dieu qui s'identifie à la nature est incompréhensible. De plus Spinoza professe que Dieu est étendue alors que l'opinion commune suppose que Dieu n'a aucun rapport avec le phénomène ( c'est dû au fait qu'il est nature chez Spinoza). Spinoza n'admet aucune transcendance, Deus sive natura. Dans Spinoza et nous il y'a un très bon article sur le sujet qui postule : " il y a un Dieu, principe de toute réalité et de toute connaissance complète, qui s'il n'intervient pas en "personne" dans la vie des hommes, est au principe de leur salut (accès à une liberté et une félicité éternelles)", Dieu comme nature naturante est principe de toutes choses sans pour autant être une personne. Dieu est présent dans chaque être chez Spinoza comme nature et conatus.

"Ce qui est certain, c'est que Spinoza croyait dans le Dieu de Spinoza" Matheron.

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Message par odyseus Mar 17 Juil - 22:58

Excellent post, merci pour le partage.
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Message par Invité Mer 18 Juil - 12:14

En effet, c'est un excellent post LR, merci pour tous ces éclairages dont je connaissais une bonne partie d'ailleurs, car j'ai eu l'occasion de lire à ce sujet.

C'est tout à fait le type de philosophie qui me convient ! Au plus le temps passe, au plus Spinoza me plait, mon intérêt pour sa pensée grandit sans cesse. Oui je sais que ses écrits sont relativement ardus, aussi j'ai pris soin de choisir des auteurs qui vulgarisent assez bien ses idées...

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Message par odyseus Mer 18 Juil - 13:43

Olive1968 a écrit:En effet, c'est un excellent post LR, merci pour tous ces éclairages dont je connaissais une bonne partie d'ailleurs, car j'ai eu l'occasion de lire à ce sujet.

C'est tout à fait le type de philosophie qui me convient ! Au plus le temps passe, au plus Spinoza me plait, mon intérêt pour sa pensée grandit sans cesse. Oui je sais que ses écrits sont relativement ardus, aussi j'ai pris soin de choisir des auteurs qui vulgarisent assez bien ses idées...
Oui il faut commencer à apprendre à se redresser avant d'apprendre à marcher....
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Message par abac Mer 18 Juil - 15:40

Merci, LittleW.

Je me suis efforcé de lire Spinoza, que j'apprécie, et le texte que tu nous donnes synthétise parfaitement ce que j'en ai retenu. Very Happy
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Message par Littlewingrunner Mer 18 Juil - 16:49

De rien, c'est un auteur qui m'a marqué personnellement sur bien des questions, celle de la liberté : chez Spinoza pas de libre arbitre, nous sommes dirigés par nos passions, notre conatus, qu'on définit comme accroissement vital de la puissance d'agir, en cela il est assez proche de Nietzsche et de sa volonté de puissance, bien que les deux notions possèdent quelques différences. Les hommes se croient libres au sens du libre arbitre ( de Descartes ou de Saint Augustin ) non seulement car ils ignorent les causes ( conditions dans le lexique spinoziste ), les désirs ou les appétits qui les font agir. L'homme chez Spinoza n'est définitivement pas un "empire dans un empire", il dépend d'un cadre plus global, d'une substance plus générale composée de la Nature et du principe divin, en ce sens il est tout autant déterminé que le rocher ou l'arbre. Une autre solution chrétienne est la liberté de l'âme, qui est soumission à un Dieu transcendant et totalement irrationnel. Chez Spinoza cela n'a pas de sens et la divinité est immanente, c'est la nature, l'univers. La réelle liberté passe par la connaissance de nos désirs, par le biais du conatus, ainsi que de tout ce qui l’affecte positivement et négativement dans la Nature, pour augmenter sa puissance. La liberté comme je l'ai noté dans mon premier post est intellectualisation de la nécessité et compréhension. Je voulais développer cela également car c'est un point important qui découle de la conception de Dieu et d'un monde entièrement plongé dans la nécessité. Se croire libre procède de l’ignorance et nous y maintient. La réelle liberté, qui implique de la joie chez Spinoza, et non pas une résignation propre à la croyance en un Dieu transcendant, suppose une prise de conscience de la détermination de notre être comme dépendant d'un Tout. Le pouvoir de la liberté n'est plus alors celui d'être "maître et processeur de la nature" comme chez Descartes, mais d'avoir une compréhension de ce qui arrive, avec joie, et un contrôle sur soi même, seule chose qui est partiellement en notre pouvoir, tout cela dans le but d'aller aussi loin que possible dans le désir de vivre, ou conatus, et dans " l'amour intellectuel " de Dieu, c'est à dire la Nature. Tout ce qui est fini, en revanche, existe en et par autre chose. Tout est imbriqué dans la substance infinie et totale qu'est Dieu : Par exemple, une pierre est un corps physique dans l'espace, mais une pierre est aussi une idée, l'idée de cette pierre ( c'est un exemple spinoziste dans l'Ethique : il faut avoir en tête que Dieu possède une infinité d'attribut chez Spinoza mais on en perçoit juste la pensée et l'étendue, deux attributs présents dans l'exemple de la pierre). L'individu suprême est la Nature entière, substance globale et infinie, qui ne change pas ( les lois physiques assurent une constance du mouvement et du repos, qui sont des attributs essentiels hérités de la physique d'Aristote: ces lois ne changent jamais et pour Spinoza Dieu lui même est contraint par une libre nécessité et ne peut pas faire changer les lois de la nature, il a choisit une première fois pour l'éternité tout les mécanismes qui vont se produire). À chaque individu, humain ou animal, et même une pierre, une fleur, du bois, correspondent donc des idées. Il y'a un animisme chez Spinoza, l'esprit de Socrate, pour reprendre l'image canonique, c'est l'idée du corps de Socrate.

La liberté est donc un acte fort : une prise de conscience libératrice d'une illusion, celle du libre arbitre, qui pousse l'individu à assumer sa seule essence : le conatus, désir de vivre et d'accroître sa puissance ( puissance qui n'est grande que lorsqu'elle est reconnue par les autres, c'est une petite parenthèse intéressante : le pouvoir ne se trouve pas comme qualité intrinsèque de l'individu qui le possède, mais dans la médiation avec l'autre et la reconnaissance par celui ci d'un attribut qui nous est propre, ce qui a nombre d'implications politiques dans le Traité théologico politique et le Traité Politique, desquels je peux livrer mon ressenti également si vous le désirez). Cette définition de la liberté va contre toute philosophie transcendante ou surnaturelle, tout est purement rationnel chez Spinoza, y compris Dieu et la Liberté, en ce sens la métaphysique chez lui fait déjà un pas important vers la libération des abstractions invérifiables que dénonce Kant dans sa Critique de la raison pure. La connaissance rationnelle est la solution de tous les problèmes pour Spinoza, qui les résout avec une aisance de géomètre.

Autre chose sur laquelle Spinoza précède Kant, et dans l'Histoire de la philosophie on l’oubli trop souvent : la vérité. Dans la conception classique pré-spinoziste la vérité est une adéquation à l'objet perçu, adaequatio rei et intellectus ( adéquation de la chose et de l'idée si je traduis rapidement). C'est une conception qui suppose plusieurs choses : que le monde dit réel est totalement indépendant de notre perception de celui ci et que notre entendement n'a aucune implication sur sa formation. Cela laisse le flan ouvert à toute une critique à la fois idéaliste et scientifiquement fondée : le monde n'existe pas en soi, mais est vu, esse est percepti rappelle Berkeley ( être c'est être perçu). Les animaux ne voient pas le même monde que nous, de même comment peut-on supposer qu'un bourdon que perçoit principalement le monde avec ses antennes et les vibrations qu'il ressent ressent le même monde que nous ? Non. L'optique montre bien que la construction du monde est un processus, le cerveau créé le monde à partir de la vision binoculaire, les images étant en 2 dimensions sur la rétine à l'origine.
Spinoza connait ces objections et les surmonte, pour cela il prend l'exemple des mathématiques : quand le mathématicien étudie le triangle ( c'est son exemple) il ne se souci pas d'une correspondance aux faits, le triangle est une image de son entendement. La vérité est alors définie par l'entendement producteur de connaissance, comme chez Kant plus tard. « Certes, comme la lumière se fait connaître elle-même et fait connaître les ténèbres, la vérité est norme d'elle-même et du faux » ( verus index sui : la vérité s'auto-indique), la vérité devient caractère intrinsèque de l'idée sans référence à un objet réel. Grosse évolution : la vérité est produite par l'homme et façonne son monde. ( Elle n'est pas pour autant relative chez Spinoza, on ne peut pas faire, par notre entendement, qu'un triangle ait 4 côtés par exemple, la vérité reste et subsiste une). 1/ La vérité s'auto indique, elle contient en elle même clarté et distinction, Spinoza reprend ici le rationalisme cartésien en opérant quelques changements. 2/ elle est non plus correspondance avec un objet mais grâce à l'exemple du mathématicien une production de l'entendement. 3/ Elle correspond encore avec les faits, non plus comme preuve mais comme effets. Cela implique également un rapport à la sensation : lorsque je ressens le soleil cela implique plus ma propre constitution que la réalité soleil. Cela découle pleinement de la construction des attributs et des essences chez Spinoza. J'ai l'idée de mon corps ( car je suis l'idée de mon corps chez Spinoza selon son animisme individuel) j'ai l"idée de tout ce qui touche et modifie, affecte, mon corps. Si l'affection est positive, qu'elle modifie mon être, car il y'a interaction chez Spinoza contrairement à chez Leibnitz, c'est à dire qu'elle accroît une puissance d'agir ( conatus dynamique), elle entraîne joie et bonheur ( on tient ici la définition alors, qui découle principalement du reste du système logique de Spinoza), en revanche si l'affection diminue la puissance d'agir par exemple une maladie, un accident qui nous fait perdre une jambe, cela entraîne tristesse. Tristesse qui peut être consolée et transformée par une compréhension intellectuelle de la nécessité. Je peux décider de me consacrer pleinement à l'étude maintenant que je suis unijambiste et que je ne peux plus faire de sport, ou encore à la musique, ce qui constitue un autre moyen d'avancer et d'accroître sa puissance.



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Message par Invité Mer 18 Juil - 17:42

odyseus a écrit:
Olive1968 a écrit:En effet, c'est un excellent post LR, merci pour tous ces éclairages dont je connaissais une bonne partie d'ailleurs, car j'ai eu l'occasion de lire à ce sujet.

C'est tout à fait le type de philosophie qui me convient ! Au plus le temps passe, au plus Spinoza me plait, mon intérêt pour sa pensée grandit sans cesse. Oui je sais que ses écrits sont relativement ardus, aussi j'ai pris soin de choisir des auteurs qui vulgarisent assez bien ses idées...
Oui il faut commencer à apprendre à se redresser avant d'apprendre à marcher....

Ca c'est ce que je m'efforce de faire depuis ma naissance odyseus ! Wink

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Message par Invité Mer 18 Juil - 18:18

Mieux qu'aucun autre penseur, Spinoza réalise le programme de la philosophie et permet en un sens d'en sortir. Mieux que Platon, il définit la philosophie. Mieux qu'Aristote, il crée l'ontologie. Mieux que les stoïciens, il pense le cosmos. Mieux qu'Epicure, il conduit au bonheur. Mieux que Plotin, il explique l'extase. Mieux que Saint-Thomas, il comprend Dieu. Mieux que Montaigne, il éclaire l'art de vivre. Mieux que Descartes, il crée la science moderne. Mieux que Rousseau, il fonde la démocratie. Mieux que Kant, il sauve la religion. Mieux que Nietzsche, il libère de la morale. Mieux que Hegel, il donne un sens à l'histoire. Mieux que Marx, il rend possible la justice. Mieux que Freud, il crée la psychologie. Mieux que Wittgenstein, il clarifie le langage. Mieux que Heidegger, il élucide le sens de l'être. Mieux que Sartre, il révèle notre liberté.

Bruno Giuliani: "LE BONHEUR AVEC SPINOZA"

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Message par Invité Mer 25 Juil - 14:32

A la lecture de tout ceci, on en viendrait presque à penser que toute la philosophie de Spinoza l'emporte sur les autres, tant son contenu naturel et fluide semble évident. Il n'y a ni dualité ni conflit, il apaise toutes les tensions philosophiques en démontrant que l'être est uni au tout, et que l'infini se pense d'une manière atavique. Enfin c'est ainsi que je perçois ses discours. Lorsque j'ai terminé la lecture de son approche immanente de la nature de Dieu, je trouvais que la nature transcendante de celui-ci semblait presque absurde ! Bien sûr ce n'est qu'une impression personnelle dont je vous fais part, et loin de moi l'idée de dénigrer toutes les autres philosophies. Pour moi Spinoza était un visionnaire, dont la philosophie a jeté les bases de la pensée moderne, aussi bien sur le plan philosophique que scientifique. Et lorsque l'on songe aux dogmes et intolérances actuels, alors que Spinoza a édicté tout cela il y a 350 ans, on se dit que c'est un peu dommage de ne pas l'avoir suivi de plus près. Je pense ne pas trop m'avancer en disant qu'il devait être quelqu'un d'admirable, et de juste surtout. Il démontre sans écraser, d'une manière naturelle, on a l'impression qu'il décrit la nature et la vision de l'homme comme s'il avait pu se positionner "extérieurement" à tout cela, ce qui, à l'époque, était assez osé. Dans le contexte où il vécut, ce genre de propos étaient hautement audacieux, et il a eu le courage de les énoncer, seul. Pour moi c'est un génie, peut être le plus grand philosophe connu à ce jour...

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Message par abac Mer 25 Juil - 14:59

du Spinoza ... par lui même :

" Dieu : Dieu est cette substance infinie et éternelle qui est à elle-même sa propre cause. Et par là Dieu est toute la Nature, (Ethique I ) non pas seulement l’ensemble des modes “ naturés “ qu’étudie la science expérimentale, mais la “ Nature naturante “, c’est-à-dire la Nature réellement auto-productrice. Parmi l’infinité de ses attributs, nous n’en connaissons que deux : l’étendue corporelle ou matière, et la pensée. Et nous sommes partie de ces attributs.

Si ainsi nous portons en nous une parcelle de la substance divine, il ne peut y avoir ni mal, ni mort : il n’y a que des limitations, des insuffisances, des restrictions. Nos passions ne sont que des affections confuses dont nous pouvons essayer de prendre une connaissance adéquate, pour qu’elles cessent de nous faire pâtir.

Ainsi l’idée de soumission à un Dieu providentiel, est en fait une passion qui nous limite dans notre désir de connaître et de créer et surtout nous fait flotter sans cesse entre l’espérance et la crainte.

Ainsi l’idée d’immortalité n’est que l’image restreinte du désir d’éternité. Or ce désir est vain, si nous sommes capables d’expérimenter en notre vie des parcelles d’éternité, par la joie, l’amour créatif, la connaissance, les liens avec autrui, la générosité : toutes passions bonnes qui nous font agir. Cette ferveur qui nous lie à autrui, forme cet “ amour intellectuel de Dieu “, la connaissance du troisième genre par laquelle nous allons plus loin que la connaissances des causes et des relations. Nous atteignons la connaissance de la particularité de chaque chose, de chaque être, “ sous l’angle de l’éternité “ . “ Nous sentons et nous expérimentons que nous sommes éternels “. C’est la vraie dévotion, la religion de l’esprit, non pas celle qui isole l’individu en lui-même dans sa forteresse intérieure, mais celle qui relie l’individu aux autres, et au tout de l’être de la nature. Cette vraie religion spirituelle lui fait sentir à la fois le morcellement de l’être et son unité. Elle lui fait par là respecter à la fois l’univers auquel il appartient et ces êtres précieux qui en ont conscience et qui s’appellent des hommes."
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Message par Littlewingrunner Mer 25 Juil - 15:16

"Nature naturante", j'avais oublié d'ou j'avais pris cette expression pour décrire la nature chez Spinoza ( c'est à dire Dieu).

Cela dit Olive je te conseille les cours de Deleuze sur Spinoza, il montre aussi les questions qu'évitent ce dernier et les zones d'ombres qui existent dans l'Ethique. Début d'une conférence, qui traite du titre :

"Sur le projet d'une ontologie pure, comment se fait-il que Spinoza appelle cette ontologie pure une Éthique ? Ce serait par une accumulation de traits qu'on s'aperçoive que c'était bien qu'il appelle ça une Éthique. On a vu l'atmosphère générale de ce lien entre une Ontologie et une Ethique avec le soupçon que une éthique c'est quelque chose qui n'a rien à voir avec une morale. Et pourquoi on a un soupçon du lien qui fait que cette Ontologie pure prend le nom d'Éthique ? On l'a vu. L'Ontologie pure de Spinoza se présente comme la position unique absolument infinie. Dès lors, les étants, cette substance unique absolument infinie, c'est l'être. L'être en tant qu'être. Dès lors, les étants ne seront pas des êtres, ce seront ce que Spinoza appelle des modes, des modes de la substance absolument infinie. Et un mode c'est quoi ? C'est une manière d'être. Les étants ou les existants ne sont pas des êtres, il n'y a comme être que la substance absolument infinie. Dès lors, nous qui sommes des étants, nous qui sommes des existants, nous ne serons pas des êtres, nous serons des manières d'être de cette substance. Et si je me demande quel est le sens le plus immédiat du mot éthique, en quoi c'est déjà autre chose que de la morale, et bien l'éthique nous est plus connue aujourd'hui sous un autre nom, c'est le mot éthologie.

Lorsqu'on parle d'une éthologie à propos des animaux, ou à propos de l'homme, il s'agit de quoi ? L'éthologie au sens le plus rudimentaire c'est une science pratique, de quoi ? Une science pratique des manières d'être. La manière d'être c'est précisément le statut des étants, des existants, du point de vue d'une ontologie pure. "
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Message par Invité Mer 25 Juil - 15:51

Si l'objection de Deleuze traite uniquement du terme d'éthique, ce n'est pas un problème ! On pourrait très bien nommer cela autrement. Il me semble que Spinoza utilise le terme de "mode" pour définir la manière d'être car il sous-entend qu'une unité agit dans l'absolu, ce qui n'exclut aucunement les manières d'être, donc l'éthologie. On peut très bien englober une infinité dans une manière d'être, puisque celle-ci n'est pas "extérieure" mais bien incluse dans un ensemble. J'avoue que j'ai du mal à suivre le raisonnement de Deleuze, et il me faudrait m'y pencher plus profondément...

En tous cas merci de m'avoir indiqué tout ceci LR ! Smile

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Message par Littlewingrunner Mer 25 Juil - 15:56

Deleuze ne fait pas ici une objection, il explique juste le titre, pourquoi l'Ethique ?

Les réserves deleuziennes ne sont pas des objections, il pointe juste du doigt des zones d'ombres laissées par la démonstration de Spinoza.
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Message par Invité Mer 25 Juil - 16:06

D'accord LR. Mais je ne comprends pas pourquoi Deleuze considère que ce sont des zones d'ombre. Il faudra que je m'y penche davantage...

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Message par Invité Jeu 26 Juil - 16:57

Il se peut aussi que dans l'esprit de Spinoza le mot "éthique" n'ait pas eu le même sens que dans le notre ? Pour nous, l'éthique est un mot porteur d'un sens moral assez lourd, comme une déontologie pour un médecin par exemple, et l'ensemble des règles qui régissent notre société. Il se peut qu'aujourd'hui ce mot ait pris de la valeur, et que son sens soit majoré ou modifié ? Si l'on considère l'ensemble de la pensée spinoziste, celle-ci se tient sans avoir recours à une quelconque éthique, et par conséquent, j'ai l'impression que ce mot n'est pas à sa place dans son oeuvre. Mais peut être est-ce moi qui suis à côté de la réalité des choses ? Du sens réel de l'oeuvre de Spinoza, dont la portée est immense.

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Message par Jean-Dominique Ven 27 Juil - 0:33

Assez d'accord avec la lecture de Littlewingrunner même si j'y apporte une autre compréhension du texte, sans doute plus athée encore, en situant Spinoza dans son époque et ses contraintes intellectuelles : il ne pouvait pas expliquer l'inexistence de Dieu sans l'aide de Dieu lui-même et c'est donc ce qu'il a entrepris dans le premier livre de l'Ethique. Spinoza conserve le principe divin mais le vide de tout ce qui le compose ordinairement, tant sur le plan métaphysique et que religieux. Il laisse Dieu sans Dieu. En le plaçant partout, il le met nulle part. En lui retirant tout principe créateur de causalité, il le réduit à l'existant, au mode tel qu'il est sans cause et sans volonté.
C'est d'ailleurs une erreur, à mon sens, très répandue y compris chez les philosophes que de réserver l'essentiel de la pensée de Spinoza sur Dieu au seul premier livre alors que l'oeuvre est en vérité d'une cohérence absolue, en zoomant progressivement du principe divin à l'homme : à mesure que Spinoza déshabille Dieu, il revet l'homme du fardeau de la responsabilité (qui n'est pas, je suis bien d'accord, le libre-arbitre) et c'est ainsi que je comprends la notion d'éthique, comme une responsabilité ultime de la pensée humaine face au désert divin.

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Message par Littlewingrunner Ven 27 Juil - 0:54

D'accord avec cette analyse JD.

Sur l'Ethique je crois que ton hypothèse rejoint au fond celle de Deleuze sur l'éthologie.
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Message par Invité Ven 27 Juil - 11:09

En tous cas c'est un point de vue qui me convient parfaitement Jean-Dominique. C'est bel et bien ainsi que je perçois la chose, à ceci près que (mais je sais que ce n'est pas ce qui a été dit) le concept de Dieu n'est pas vidée pour moi, mais en quelques sortes "spacialisé" et "temporalisé" ! Il contient et se contient en lui même, en étant. Je pourrais dire que je le considère comme tout ce qui est, complètement diffus, tout en demeurant cohérent envers tout. En d'autres termes c'est l'organisé qui "se pense", et pense tout ce qui est. J'ignore si c'est vraiment clair mais ça l'est pour moi ! Smile

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Message par Invité Mar 31 Juil - 23:21

En tous cas c'est un philosophe qui fit preuve d'un grand courage, surtout dans le contexte de son époque, où il était tout de même assez risqué d'entreprendre une étude de l'idée de Dieu.

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Message par Littlewingrunner Mar 21 Aoû - 21:25

Ou de tout simplement s'opposer à une doctrine officielle de l'Eglise, qui était et reste thomiste, il faut avoir en tête l'exemple de Giordano Bruno. Même Descartes voulait publier le Monde mais s'est ravisé en voyant la condamnation de Galilée ( qui n'a pas été tué mais juste interdit de présenter ses découvertes).
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Message par Invité Mer 22 Aoû - 18:25

Spinoza s'était déjà plus ou moins opposé aux doctrines religieuses de sa propre communauté, ce qui lui valut d'être rejeté par elle. C'est aussi ce qui me plait dans la philosophie de cet homme, cette force, cette puissance conceptuelle qui le conduisit à penser le monde autrement que ses contemporains, trop enclins à céder aux dogmes religieux. Pour moi il demeure ce qui se fait de mieux, car au delà de sa puissante philosophie, il y a l'homme, avec son courage et sa détermination à lutter seul contre une époque monolithique sur le plan de la tolérance. Mais il me faut encore lire ses oeuvres pour espérer en extraire davantage de sens...

Sans prétention aucune bien sûr.

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Message par vero59 Dim 2 Déc - 17:24

je ne savais pas où mettre le lien de cet article lu il y a qq mois, mais je pense que ce serais le bon post ?

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Message par Invité Dim 2 Déc - 17:48

Merci vero ! Smile

Non, tu as bien fait. Disons que Spinoza ne s'embarrassait pas de ces considérations, pour lui Dieu était la nature elle même, il était immanent, le point commun entre la pensée de Spinoza et l'article c'est que les deux mettent l'accent sur l'aspect évident d'une présence ou d'un principe de cohérence divine, tout sauf du hasard, enfin je crois.

On peut contester cette déduction, je parle de celle qui est présente dans l'article, et notamment dans les oeuvres de Trihn xan thuan. Parce que c'est un raisonnement à postériori ! C'est à dire que l'on déduit l'existence d'un principe créateur à partir des résultats observés ! Mais cela ne prouve pas l'existence de ce principe, cela prouve que la nature est organisée, harmonieuse, mais rien ne dit que cette harmonie n'est pas dûe à la nature elle même, sans qu'elle n'ait eu besoin de faire appel à un dieu transcendant; c'est justement ce que disait Spinoza. Mais rien ne prouve non plus que l'article ne décrive pas la réalité ! En gros nous en sommes toujours aux conjectures concernant l'origine et le sens du monde. Et chacun peut se faire son opinion...

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Message par yaka Dim 2 Déc - 19:16

je n'ai jamais touché une boule en philosophie ! Je n'y comprends rien, je n'ai rien lu, on ne m'a rien expliqué.

Mais ici, j'ai été passionné par cette série de commentaires.
Merci à tous.

Je vous offre une rose de mon jardin Smile

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